Lettre ou ne pas lettre

Publié le par jissey moro

Il ne se souvient plus très bien comment cela avait commencé.

Un peu mieux comment cela se termina.

Entre eux, il s'agissait d'un peu plus que d'une histoire de Q.

Mais cela faisait belle lurette que le Q. ne le tentait plus.

L., de son côté en aurait bien voulu un plus...de Q.

Lui, il s'en moquait.

Il passait son temps sur le clavier de l'ordinateur de la maison.

L. n'en pouvait plus.

L. était bonne fille, quoiqu'un peu nerveuse,  réactive.

Pour se faire mieux comprendre,

L. décida de supprimer la lettre Q. du clavier.

Puisqu'il n'y en avait plus...

Elle souleva la touche délicatement,

la jeta dans la corbeille à papiers.

Il ne s'en rendit pas compte tout de suite,

Il utilisait rarement le Q.

Mais lorsqu'il découvrit le méfait,

il décida de ne rien dire, de se venger.

L. comprendrait.

A son tour, il arracha la lettre L.

vanités 16 janvier

Cela lui apprendrait.

L. vit dans ce geste une provocation.

L. déduisit que la guerre était ouverte,

il n'y avait plus de place pour E.

Donc, L. expurgea cette lettre supplémentaire.

Cela devenait compliqué de se servir de l'ordinateur de façon satisfaisante.

Le jeune homme sentit monter une boule de N, qu'il s'empressa de dégommer.

N pour N, il n'était plus question qu'il s'imagine qu'L. l'M encore,

donc cette consonne suivit les autres dans les détritus.

Furieusement impassible, il ne voulut pas avoir l'R contrarié,

donc il le supprima.

De rage, L. aurait bien pris une H pour avoir le dernier mot,

en finir avec l'infame machine.

Pour le prévenir, lui, de cette menace, elle

désincarcéra la dite lettre.

Il se rendit compte qu'il devenait de plus en plus difficile

de rédiger des textes sensés...

Il fallait se rendre à l'évidence.

L. était têtue.

L. ferait tout pour avoir le dernier mot.

Il regarda le clavier mutilé.

Chaque téton de silicone blessé

appelait silencieusement sa lettre manquante.

Il se résigna.

Claqua le couvercle laqué de l'ordinateur portable,

débrancha l'appareil, enroula sommairement le cable électrique,

glissa celui-ci dans la poche de son imperméable.

Il cacha sous son pull-over gris la machine

sortit de la maison, se rendit sur le port.

La nuit était humide. Le vent soufflait fort.

Il entendit un discret plouf !

lorsque la boite disparut dans l'O.




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J
<br /> En fait si, après mûre réflexion, j'ai trouvé un truc, je pourrais avoir un peu honte, mais ce n'est pas très constructif et puis la vanité de la réplique enfin trouvée prend le dessus. Alors je<br /> dirais au poête qu'il a oublié deux touches essentielles du clavier à l'occasion de son histoire d'O : le "." et le "G".<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Une petite merveille ce texte, drôle et pathétique. J'ai beau chercher un truc un peu percutant à lui donner en écho, mais je suis à sec. Bravo, vraiment. Une question cependant : pourquoi n'y<br /> a-t-il pas de photo ?<br /> <br /> <br />
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